Introduction : Les infections sexuellement transmissibles (IST) demeurent un fardeau important sur la santé publique. Depuis la fin des années quatre-vingt-dix, on note un accroissement régulier des IST dans le monde.
Objectif de l’étude : Le but de cet étude est d’identifier le profil épidémioclinique, thérapeutique et évolutif des IST les plus fréquentes et en particulier : les condylomes ano-génitaux, la syphilis, les urétrites et l’infection à VIH, pour mieux adapter les moyens de prévention et de prise en charge.
Patients et méthode : Il s’agit d’une étude rétrospective descriptive des patients consultant au service de dermatologie-vénérologie de l’hôpital militaire Moulay Ismail de Meknès, pour une IST (condylome, syphilis, urétrite et/ou infection à VIH), durant une période de 6 ans : 1er Janvier 2009-31 Décembre 2014. Cette étude est réalisée à l’aide d’une fiche de renseignement qui contient des informations sur le patient, le type d’IST, le profil clinique et biologique, le traitement et l’évolution, cela est fait en consultant le dossier d’analyse de chaque malade.
Résultats : Au total, 119 cas d’IST ont été diagnostiqués, 60 cas de condylomes (50%), 19 cas de syphilis (16%), 18 cas d’urétrite (15%) et 22 cas de VIH (19%).
Condylomes : Il s’agissait d’un sexe masculin dans 91,66% (55/60) et d’un sexe féminin dans 8,33% (5/60) dont 3 cas enfants, soit un sex-ratio F/H de 0,09.
L’âge moyen était de 29 ans (de 6 à 50 ans). 64,91% (37/57) étaient mariés, 35,08% (20/57) étaient célibataires et 3 cas enfants. Tous nos patients étaient hétérosexuels (57 cas). 71,92% (41/57) des patients avaient au moins 2 partenaires sexuels et 73,68% (42/57) n’ont jamais utilisé de préservatif. Des antécédents d’IST étaient présents chez 18,33% (11/60) des malades. Parmi les hommes, treize (23,63%) avaient une localisation au pénis isolée, 11 (20%) une atteinte scrotale et périnéale, 5 (9,09%) périanale isolée, 14 (25,45%) périanale et génitale, 7 (12,72%) inguinoscrotale et 5 cas de tumeur de Buschke Lowenstein. Chez le sexe féminin, 2 femmes avaient une localisation vulvaire isolée (40%) et 3 enfants avaient une localisation périanale. La localisation multiple était observée chez 58,18% (32/55) des malades de sexe masculin. 100% des malades ont consulté au stade de lésions multiples. La sérologie rétrovirale VIH et syphilitique et la recherche d’Ag Hbs étaient négatives dans tous les cas. 65% (39/60) des cas étaient traités par électrocoagulation, 10% (6/60) par de l’azote liquide, 16,66% (10/60) par la podophyllotoxine et les 5 cas de tumeur de Buschke Lowenstein par la chirurgie. Le taux de récidive était de 41,02% (16/39) avec l’électrocoagulation contre 33,33% (2/6) avec l’azote liquide et 30% (3/10) avec la podophyllotoxine. Syphilis : Il s’agissait d’un homme dans 73,68% (14/19) et d’une femme dans 26,31% (5/19), soit un sex-ratio H/F de 2,80. L’âge moyen était de 40 ans (extrêmes : 27-76). Nos patients étaient mariés dans 68,42% (13/19). Tous nos patients étaient hétérosexuels. 52,63% (10/19) de nos patients n’ont jamais utilisé de préservatif et 63,15 % (12/19) avaient au moins 2 partenaires sexuels. Six patients présentaient des antécédents d’IST. L’automédication (pénicilline) était retrouvée chez un seul cas. Il s’agissait de syphilis latente dans 57,89% (11/19) des cas, de syphilis secondaire dans 26,31% (5/19) des cas et de neurosyphilis dans 3 cas. Le VDRL dans le sang était positif dans 73,68% (14/19) et dans le LCR dans 66,66% (2/3), le TPHA était positif dans 100% des cas (sang et LCR). La moyenne de la cytorachie était de 145,33 éléments/mm3 et celle de la protéinorachie était de 0,62 g/l. La sérologie rétrovirale VIH et la recherche d’Ag Hbs étaient négatives dans tous les cas. La pénicilline G a été utilisée pour tous nos patients. L’évolution à été favorable chez 15 cas et n’a pas été mentionnée dans les dossiers de 4 cas.
Urétrite : Il s’agissait d’homme dans 100% des cas. L’âge médian était de 29,38 ans (de 23 à 67). 72,22% (13/18) de célibataires contre 27,77% (5/18) mariés. Tous nos patients étaient hétérosexuels. 72,22% (13/18) de nos patients n’ont jamais utilisé de préservatif et 77,77% (14/18) avaient au moins 2 partenaires sexuels. 7 patients avaient des antécédents d’IST. L’automédication était retrouvée chez 2 cas. La découverte de la maladie a été faite devant la présence d’une goutte matinale dans 15 cas (83,33%), un picotement intracanalaire dans 6 cas (33,33%) et des brûlures mictionnelles dans 5 cas (27,77%). NG a été isolée chez 9 cas. TPHA/VDRL, l’Ag Hbs et la sérologie du VIH étaient négatifs dans tous les cas. Il s’agissait d’urétrite chronique dans 100% des cas. Tous nos patients étaient traités par la céftriaxone et la doxycycline. Une évolution favorable était marquée chez 16 cas et persistance de brûlures mictionnelles chez 2 cas.
Infection à VIH : Il s’agissait d’homme dans 77,27% (17/22) et de femme dans 22,72% (5/22), soit un sex-ratio H/F de 3,40. L’âge médian était de 35,72 ans (de 16 à 58 ans). 54,54% (12/22) de célibataires contre 31,81% (7/22) de mariés et un veuf, 2 patients de statut inconnu). 1 patient homosexuel contre 21 patients hétérosexuels. 77,27% (17/22) de nos patients n’ont jamais utilisé de préservatif et 68,18% (15/22) avaient au moins 2 partenaires sexuels. La découverte de la pathologie à été faite devant une diarrhée chronique et amaigrissement dans 7 cas (31,81%), une pleuro-pneumopathie dans 4 cas (18,18%), un bilan systématique d’IST dans 3 cas (13,63 %) et une radiculo-névrite aigue dans 2 cas (9,09 %), le reste était devant des manifestations diverses. TPHA/VDRL et la recherche de l’Ag Hbs ont été négatifs chez tous nos patients. Nos patients étaient adressés à l’hôpital militaire Mohamed V de Rabat pour prise en charge.
Conclusion : Les IST continuent de croître au Maroc, avec quotidiennement de nouveaux cas diagnostiqués. La tendance à la hausse touche avec prédilection les sujets jeunes. Cette augmentation est influencée par plusieurs paramètres dont le tabou, l’homophobie, les pratiques sexuelles à haut risques, la prédominance des formes latentes (syphilis et VIH), le portage asymptomatique (HPV), et la progression de la résistance aux antibiotiques. De ce fait, l’information, l’éducation et la prévention gardent toute leur importance et restent plus que jamais d’actualité.
L’extension des campagnes de prévention et l’élargissement du dépistage au-delà de la population à risque seront justifiés. Les algorithmes pour l’approche syndromique des IST, proposés par l’OMS nécessiteront un travail d’adaptation afin de traiter efficacement et rompre la chaine de contamination.