Manifestations hématologiques au cours du lupus : étude prospective (A propos de 39 cas)

Le lupus érythémateux systémique LES est considéré comme l’archétype de la maladie auto-immune non spécifique d’organe avec un tableau clinique très polymorphe. Les manifestations hématologiques observées au cours du LES sont nombreuses, variées et bien établies dans la littérature. Leurs expressions sont cliniques et/ou biologiques. Certaines d’entre elles constituent des critères diagnostiques voire pronostiques. En effet, La participation hématologique fait partie intégrante des critères diagnostiques du lupus et se définit par une: • Anémie hémolytique auto-immune, • Leucopénie inférieure à 4.109/L constatée à 2 reprises, • Lymphopénie inférieure à 1,5.109/L mesurée au moins à 2 reprises, • Thrombopénie inférieure à 100.109/L en l’absence de médicaments cytopéniants. La nature et les étiologies de l’anémie, de la leuconeutropénie, de la lymphopénie, de la thrombopénie et des troubles de l’hémostase sont étayés au cours de notre travail. L’objectif de notre travail est d’établir les profils épidémiologique, clinique, immunologique, évolutif de l’atteinte hématologique de patients lupiques hospitalisés au service de médecine interne du Centre Hospitalier Universitaire Hassan II de Fès, de les comparer avec différentes séries existantes et d’essayer d’identifier les facteurs de mauvais pronostic chez nos patients, en nous limitant toutefois qu’aux manifestations hématologiques. Notre travail est une étude prospective monocentrique menée dans le service de Médecine interne du Centre Hospitalier Universitaire Hassan II de Fès de Madame le Professeur Bono. Sur une période de deux ans allant de Janvier 2010 à Décembre 2011, 39 cas ont été identifiés et colligés. Notre série inclut 39 patients dont 36 femmes et 3 hommes avec un sexe ratio femme/homme de 12. L’âge moyen de nos patients à l’entrée en maladie lupique est de 38,54 ans. L’atteinte hématologique a constitué le second motif d’admission de nos patients à hauteur de 17,9%. Les principales doléances de nos patients consistaient en un syndrome anémique mal toléré, un syndrome hémorragique, des adénopathies périphériques et une pancytopénie fébrile. Après les manifestations rhumatologiques, l’anémie, tous types confondus a constitué l’atteinte la plus fréquente chez nos patients, dans le même ordre, vient la lymphopénie. Dans notre série, 82% des patients, majoritairement des femmes logiquement en rapport avec la fréquence féminine du LES- présentent un lupus à tropisme hématologique. Cliniquement, 50% des patients sont symptomatiques. Les manifestations cliniques du syndrome anémique retrouvé chez 34,4% de nos patients sont diverses. Une splénomégalie à la palpation a été retrouvée chez 6,2% des patients. L’examen des aires ganglionnaires chez les patients a révélé la présence de 9,4% cas d’adénopathies. Un syndrome hémorragique clinique est retrouvé dans 18,7% des cas. Il est difficile d’attribuer la fièvre retrouvée dans 18,7% des cas à l’atteinte de la lignée blanche ; plusieurs causes pouvant être intriquées. Sur le plan biologique, l’étude des hémogrammes réalisés chez les patients a permis de faire ressortir les constations suivantes : L’anémie tous types confondus est retrouvée chez 93,7% des patients.Dans 62,5% des cas, il s’agit d’une anémie normochrome normocytaire ANN, avec une anémie hémolytique auto-immune AHAI dans seulement 3,1% des cas, d’une anémie hypochrome microcytaire AHM dans 31,2% des cas. Nous avons pu conclure à une anémie inflammatoire dans 18,7% des cas et à une anémie sidéroprive dans 3,1% des cas. La lymphopénie est présente chez 93,7% de nos patients. La leuconeutropénie concerne 31,2% des cas. La thrombopénie est retrouvée dans 37,5% des cas. Une pancytopénie est retrouvée dans 34,4% des cas Dans le cadre des cytopénies dysimmutaires, nous dénombrons deux cas de purpura thrombopénique immunologique PTI (6,2%). Nous comptons également un syndrome d’Evans et un cas d’AHAI. Le traitement immunosuppresseur d’attaque repose sur une série de trois bolus de méthylprédnisolone relayée par une corticothérapie orale. Nous disposons de divers agents immunosuppresseurs largement prescrits dans la prise en charge des cytopénies lupiques pour assurer le traitement d’entretien (CYC, AZA, MMF). Quant aux situations critiques, un traitement d’urgence a été instauré. Nous avons recouru à la transfusion de culots globulaires et de culots plaquettaires, à l’admistration de veinoglobulines et de filgratism. L’évolution de l’atteinte hématologique suit globalement l’évolution de la maladie lupique. Une rémission partielle est notée dans 17,9% des cas, une rémission complète dans 43,6% des cas. Nous déplorons le décès d’une de nos patientes.Il ressort de notre analyse, que le sexe féminin et l’âge > 50 ans constituent un facteur de risque significatif de survenue d’événements hématologiques au cours de la maladie lupique. Les données de littérature corroborent les résultats de notre étude et confirment le polymorphisme et la sévérité des événements hématologiques survenant au cours du lupus. Cette revue de la littérature appuie également l’association de la thrombopénie aux anticardiolipines et souligne que ces différentes perturbations hématologiques n’impactent en rien le taux de survie des patients lupiques telles retrouvées dans notre série.